Православный Приход Сретения Господня

 СЛОВО О ВЕРЕ

Diacre Maron ABINADER

La Mère de Dieu, La THEOTOKOS, dans l’Orthodoxie

Cet exposé a été présenté lors de la rencontre interreligieuse pour la paix, organisée par l’amitié Monfortaine de Biarritz, le 10 Juin 2018, sur le thème : « Marie, mère de Jésus, pont entre les religions ? »

Dans sa majeure partie, cet exposé se base sur des extraits de l’ouvrage du Protopresbytre Alexis Kniazeff sur la vénération orthodoxe de la Mère de Dieu (institut Saint-Serge). Il fait également référence à des écrits de Vladimir Lossky, du Père Alexandre Schmemann et de Saint Nicolas Cabasilas.

I - LA THEOTOKOS DANS L’EGLISE DE SON FILS

L’église Orthodoxe a résumé l’essentiel de ce qu’elle enseigne de la mère du Christ dans l’hymne de la neuvième ode du canon que Saint Cosmas de Maïouma a composé pour le grand vendredi :

« Plus vénérable que les chérubins et incomparablement plus glorieuse que les séraphins, toi qui sans tâche a enfanté Dieu le verbe, toi qui est véritablement la Mère de Dieu, nous t’exaltons. »

Ce texte affirme que celui qui est enfanté dans la chair par la Vierge Marie est Fils de Dieu dans le sens fort de ce terme. C’est-à-dire qu’il est la Seconde Personne de la Sainte Trinité, et qu’elle-même dépasse en sainteté toute créature et occupe dans le Royaume de la gloire la seconde place après son fils.

Mais que dit l’évangile sur Marie? :

- Pour ce qui est du fils enfanté par la vierge Marie, il est Dieu : (Luc 1.25) :« C’est pourquoi celui qui va naitre de toi sera saint et sera appelé fils de Dieu ». (Luc 4.34) : « Je sais que tu es le Saint de Dieu ».

Dans Mathieu 1.22-25 : Reprise du nom d’Emmanuel : Dieu est avec nous.

- Le message tout entier de l’évangile de Jean, qui commence par l’annonce de l’origine divine du verbe qui s’est fait chair et qui se termine par l’exclamation de Thomas : « mon Seigneur et mon Dieu » est un témoignage de la divinité du Christ.

- Mathieu 1 et Luc 1 insistent sur la conception virginale de Jésus Christ marquant bien que le vrai fils de Dieu ne serait avoir un père terrestre.

- Récit de l’annonciation (Luc 1. 26-35) : « Le sixième mois, l’ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée du nom de Nazareth, à une jeune fille accordée en mariage à un homme nommé Joseph, de la famille de David ; cette jeune fille s’appelait Marie. L’ange entra auprès d’elle et lui dit : « soit joyeuse, toi qui a la faveur de Dieu, le Seigneur est avec toi. » A ces mots, elle fut troublée et elle se demandait ce que pouvait signifier cette salutation. L’ange lui dit : « Sois sans crainte, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu. Voici que tu vas être enceinte, tu enfanteras un fils et tu lui donneras le nom de Jésus. Il sera grand et sera appelé fils du Très Haut. Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David, son père ; il règnera pour toujours sur la famille de Jacob, et son règne n’aura pas de fin. » Marie dit à l’ange : « Comment cela se fera t-il puisque je n’ai pas de relation conjugale ? » L’ange lui répondit : « L’Esprit Saint viendra sur toi et la puissance du Très Haut te couvrira de son ombre ; c’est pourquoi celui qui va naitre sera Saint et sera appelé Fils de Dieu. »

- Jean (2. 1-11) dit que le Vierge Marie est à l’origine du miracle de Cana.

- Jean (19) nous la montre présente sur le Golgotha.

- Acte (1.14) atteste que après l’Ascension et dans l’attente de la Pentecôte, elle était au cœur de l’église naissante des fidèles, avec les apôtres, quelques femmes et les frères de Jésus.

Comment, à partir de ces données de l’écriture, l’église est-elle passée à ce qui est affirmé dans l’hymne cité ci-dessus ?

A : Avant le concile d’Ephèse

Les écrivains ecclésiastiques des premiers siècles de l’histoire de l’église sont tous d’accord pour affirmer que Marie est la Mère-Vierge de Jésus Christ. La conception de Jésus Christ a donc été virginale, comme le spécifie l’Évangile.

Saint Justin et Saint Irénée ont mis en avant le thème de Marie, seconde Eve, le Christ étant, comme le dit Saint Paul, le second Adam (Ro 5.12-14 ; 6.23 ; Ga 6.7-9). Pour Saint Irénée, il n’y a pas d’autre manière de délier ce qui a été lié au moment de la chute d’Adam, si ce n’est de reprendre en sens inverse les entrelaces de la ligature…Voilà pourquoi, Luc commençant sa généalogie à partir du Seigneur (Luc 3.23 – 38) est remonté jusqu’à Adam, manifestant que le vrai mouvement de régénération va, non pas des ancêtres au Christ, mais du Christ vers eux.

Pour Irénée, Marie, de son côté, reprend le rôle d’Eve. Lors de la chute, Eve s’est trouvée dans une situation unique, de laquelle dépendaient l’état et le salut du genre humain. Elle a échoué. Dieu a mis Marie à sa place. Marie a réussi par l’obéissance, l’humilité et la foi.

Lorsqu’on tente une analyse parallèle Eve / Marie, on constate que d’après la Genèse, la première femme est Eve, en hébreu « Hawwah ». Ce terme est traditionnellement compris dans le sens de vie. C’est le nom que lui a donné le premier homme après la chute (Génèse.3-20). Avant la chute, il l’avait d’abord appelé femme pour souligner le rapport de nature entre lui et elle (Genèse.2-23). Or on constate que le Christ a donné à sa mère le titre de femme, d’abord à Cana en Galilée (Jean 2.4), puis sur le Golgotha (Jean 19.26).

Les écrits apocryphes nous montrent qu’elle était vénérée dans certains milieux chrétiens. Le document dit « protévangile de Jacques » et qui pourrait dater du 2ème siècle, est le premier texte chrétien qui affirme que Marie a conservé les signes de sa virginité dans la naissance de son fils.

Saint Jérôme défendait la virginité perpétuelle de Marie contre Helvidius : il connaissait l’hébreu et montrait que les frères et les sœurs de Jésus, qui sont mentionnés dans certains écrits néotestamentaires, pouvaient être ses cousins, parce que dans le langage biblique, les termes frères et sœurs désignent toute parenté dans le sens le plus large de ce terme.

Peu avant le concile d’Ephèse, Saint Ambroise, Evêque de Milan, justifiait théologiquement la doctrine de la virginité perpétuelle de Marie, en particulier l’affirmation de son intégrité corporelle après la naissance de son fils. Pour lui, puisque le Christ était à la fois vrai Dieu et vrai Homme, sa naissance devait être à la fois naturelle et miraculeuse. Le fait que s’incarnait et naissait celui qui est la deuxième personne de la Sainte Trinité, apportait une transfiguration des lois de la naissance humaine, créant dans l’humanité de la mère de Dieu, par le miracle de sa virginité inviolée, un gage de renouvellement eschatologique de la nature humaine.

Signalons, enfin, que vers la fin du IVème siècle et le début du Vème, dans certaines églises, apparaissaient les premières fêtes mariales. La date et le contenu théologique de ces fêtes différaient d’église à église. Ajoutons qu’à cette époque, dans certaines églises, notamment à Alexandrie, devenait populaire, pour parler de la mère du Christ, le terme Théotokos qui signifie : celle qui enfanta Dieu.

B : Le concile d’Ephèse (431)

Le concile d’Ephèse, IIIème concile œcuménique, fut réuni en 431 pour combattre l’hérésie de Nestorius. Ce dernier, devenu archevêque de Constantinople, récusait ouvertement le titre de Théotokos et soutenait que Marie n’était que la mère de l’homme dans le Christ, soit la Christotokos, mais jamais la mère de Dieu.

Dans son optique, la divinité et l’humanité, chacun des deux natures du Christ, pour être réelles, devaient avoir chacune leur propre personne. Il aboutissait ainsi à diviser le Christ, ce qui était contraire à son image donnée par l’Evangile. En effet, le Christ est dit fils unique dans tous les passages de l’ancien testament qui concernent le Messie. De même, dans tous les passages du nouveau testament concernant le Christ, il n’est question que d’une personne qui parle et qui agit et jamais d’une personne composée de deux personnes agissant ou parlant simultanément, ou tour à tour. La personne du Christ n’est donc pas composite et l’union de sa nature divine avec la nature humaine n’est pas une sunapheia, c’est-à-dire comme une liaison par « rapprochement » ou par « complaisance » comme le proclamait Nestorius.

Autrement dit, la doctrine de Nestorius revenait à nier l’incarnation : selon lui, Dieu en Christ n’assumait pas véritablement l’humanité, mais sa divinité ne faisait que coexister avec son humanité. Or, si le Christ n’assume pas pleinement l’humanité, il ne peut pas la sauver.

Sous l’impulsion de Saint Cyril, Archevêque d’Alexandrie, le concile d’Ephèse condamna Nestorius et sa doctrine. Il proclama l’unité de personne en Christ. D’après la définition dogmatique d’Ephèse, la personne du Christ est celle du logos divin, la deuxième personne de la Sainte Trinité, qui unit en elle la nature divine et la nature humaine, dans une seule personne, que Saint Cyril appelle l’union hypostatique.

Ce dogme, partant du fait que l’unique personne du logos divin unit en elle les deux natures, humaine et divine, sans fusion ni séparation, proclame Marie Théotokos, autrement dit vraie mère de Dieu.

C : Du concile d’Ephèse à ce jour

La théologie du concile d’Ephèse fut reprise et précisée en 451 au concile de Chalcédoine, 4ème concile œcuménique. Ce concile a proclamé le verbe incarné un seul et même Christ, fils de Dieu, Seigneur, fils unique, en deux natures, sans mélange, sans transformation, sans division, sans séparation. D’après la même définition, un seul et même Christ est né avant les siècles par sa divinité du Père, et dans les derniers jours, et pour notre salut, par son humanité de la Vierge Marie, la Théotokos.

Depuis les conciles d’Ephèse et de Chalcédoine, le titre de Théotokos et la maternité divine de Marie n’ont jamais été remis en question dans l’église Orthodoxe. Ces deux conciles ont été le départ de toute la théologie mariale et la piété mariale telle que l’on voit aujourd’hui dans l’Eglise.

Pour être complet on peut dire que le 5ème concile œcuménique de Constantinople (553), a inclus le terme « la toujours Vierge» dans les canons 2 et 4 des anathématismes contre les trois chapitres, et le concile de Latran convoqué en 649, a donné la formalisation officielle de ce qu’a été communément cru au Vème et VIème siècle : Marie est vierge avant l’enfantement, dans l’enfantement et après l’enfantement.

A partir de ce moment, personne ne mit plus en doute ni la sainteté de la mère de Dieu, ni sa virginité perpétuelle. Ces vérités sont affirmées dans les sermons des prédicateurs, dans les compositions hymnographiques, dans les écrits des pères, dans les textes canoniques des conciles.

C’est aussi à partir de ce moment là que se multiplient dans les Eglises locales, les grandes fêtes de la mère de Dieu, et que se réalise l’unification de leurs dates respectives d’Eglise à Eglise.

Enfin, c’est à partir de cette époque que se réalise et s’affermit la foi en la protection de la très Sainte Théotokos sous laquelle son divin fils a placé le peuple chrétien lorsque, avant de mourir sur la croix, dans les paroles adressées au disciple bien aimé (Jean 19.25-26), il a investi sa mère d’une maternité nouvelle dont sont l’objet tous les croyants :

« Près de la croix de Jésus, se tenait debout sa mère, la sœur de sa mère, Marie, femme de Clopas et Marie de Magdala. Voyant ainsi sa mère et près d’elle le disciple qu’il aimait, Jésus dit à sa mère : « Femme, voici ton fils ». Il dit ensuite au disciple : « voici ta mère ». Et depuis cette heure-là, le disciple la prit chez lui. »

En effet, Jean, le disciple bien aimé, demeuré, comme la mère, fidèle au Christ jusqu’au Golgotha, doit être considéré comme la personnification du reste d’Israël, c’est-à-dire des premiers nés dans l’Eglise. De son côté, la mère du Christ est bien la femme, celle dont la postérité (le Christ, le vrai agneau de Dieu), triomphera du démon et de sa race, comme annoncé dans le livre de la Genèse.

On peut donc parler d’une parenté nouvelle qui a fait que les hommes sont devenus les frères de Jésus Christ dans le Père et l’Esprit. C’est ce qu’attestent les paroles du Christ ressuscité à Marie Madeleine : « Va dire à mes frères, je monte vers mon Père et votre Père, mon Dieu et votre Dieu » (Jean 20.17).

Il est donc tout à fait logique que le Christ les déclare fils de sa mère et les confie à ses prières. L’adoption à la mère se traduit donc dans l’intercession de la mère devant son fils pour les fidèles.

Constantinople, qui possédait plus de 200 sanctuaires et autres lieux de cultes dédiés à la Sainte Mère de Dieu, avait le sentiment de vivre sous la protection ininterrompue de la Théotokos. Depuis, toutes les églises ont vu se multiplier dans leur vie des interventions miraculeuses de Marie, qui sont à l’origine de fêtes nouvelles, de caractères dévotionnels, d’icones miraculeuses attestant la sollicitude maternelle de la mère de Dieu envers tous les rachetés par la croix de son fils.

L’Eglise a donc découvert la mère de Dieu. Elle l’a découverte dans sa vie à partir des données de l’Evangile. Tous ceux qui sont nommés dans l’Ecriture Sainte sont des témoins de Dieu. La Vierge Marie, nommée dans l’écriture n’échappe pas à cette loi. Elle est témoin de Dieu. Quel est l’objet de son témoignage ?

II – LA THEOTOKOS TEMOIN DE DIEU :

- Le premier objet du témoignage de Marie, la Vierge Nazareth, est la réussite de l’œuvre de Dieu en tant que créateur et rédempteur.

A l’annonce qui lui a été faite par l’ange Gabriel, elle répondit par ces paroles :

« Je suis la servante du Seigneur. Qu’arrive pour moi selon ta parole » (Luc 1.38)

La forme grammaticale de cette réponse de Marie, employée dans l’original grec de Luc, exprime un souhait actif, accompagné du désir qu’il reçoive sa pleine réalisation. Par ces paroles, la Vierge de Nazareth accepte, au nom de toute la création, le salut que Dieu lui envoie dans le Messie.

Sur le fiat de Marie, voici ce qu’en dit Saint Nicolas Cabasilas, un grand spirituel Byzantin du 14ème siècle : « Quand Dieu a décidé d’introduire dans le monde son fils premier né pour renouveler l’humanité, en faisant de lui un second Adam, il fait participer la Vierge à son dessein. Cette grave décision Dieu la prononça et la Vierge la ratifia. L’incarnation du Verbe ne fut pas seulement l’œuvre du Père, de son Verbe et de son Esprit. Elle fut aussi l’œuvre de la volonté, de la foi, de la Vierge. »

Marie appartient à l’humanité qui porte les conséquences du péché ancestral : l’Eglise Orthodoxe en effet, ne connait pas la doctrine romaine de l’immaculée conception. Si elle enseigne fermement que la Mère de Dieu était entièrement sans pêché durant toute son existence, elle ne la fait pas équivaloir au seul qui est sans péché, c’est-à-dire le Seigneur Jésus-Christ. Seul le nouvel Adam, le Christ, n’était pas soumis à la nécessité inéluctable de la mort, car elle n’était pas dans sa nature, alors que, par le péché d’Adam, la mort fut introduite dans la nature humaine à laquelle appartient sa Mère, tout comme chacun d’entre nous. La Mère de Dieu est donc décédée de mort naturelle, conformément à la loi qu’elle portait dans son essence humaine, dénaturée par le péché d’Adam. C’est ainsi que les orthodoxes parlent de Dormition et non d’Assomption. Sa mort ne fut vaincue que par la puissance de la résurrection du Christ et définitivement abolie par celle-ci. C’est ainsi que le Seigneur est le sauveur de tout le genre humain, lequel comprend sa Mère. Pour les orthodoxes, le caractère immaculé de la toujours Vierge Marie tient non pas à sa nature, mais à son attitude personnelle envers le péché, au fait qu’elle l’a dépassé. L’orthodoxie nie que la Mère de Dieu ait été libéré du péché originel en vertu d’un acte spécial de la providence Divine, comme le spécifie le dogme catholique de l’immaculée conception, cependant, elle considère que le Saint Esprit a agi dans sons cas d’une manière tout à fait extraordinaire, unique et insurpassable pour l’homme.

Pour que le salut soit réel, effectif, il faut que le rédempteur ait accompli son œuvre. Mais il faut pour cela que le rédempteur vienne et qu’il se fasse homme. C’est cela que Marie accepta au nom de la création. En elle, l’humanité, même déchue, s’est révélée capable de dire oui à son Salut. Et c’est là une réussite pour celui qui l’a créée.

- En second lieu, la très Sainte Théotokos est le témoin de l’incarnation du verbe de Dieu et de son authenticité. L’histoire du dogme Christologique d’Ephèse en est une éclatante preuve. Le fait que l’appellation Théotokos, née de la foi populaire, durant les siècles qui ont précédés Ephèse, s’est trouvée récusée par l’Archevêque de la capitale de l’Empire, a permis à l’Eglise de proclamer solennellement le dogme de l’unité de la personne en Christ, et en même temps le mystère de la maternité divine. On pourrait dire, que la mère a conduit l’Eglise à mieux expliciter le mystère de l’incarnation du fils de Dieu qui assume l’homme pour le sauver, sans cesser d’être Dieu et, inversement, voir le fils confirmer que sa mère est vraiment mère de Dieu. Et l’on pourra noter que, depuis, plus de la moitié des innombrables pièces hymnographiques mariales que chante l’Eglise Orthodoxe dans sa liturgie, parle du mystère de l’incarnation du verbe, du salut qu’il a apporté à l’homme, de la manière dont il s’est réalisé et de la maternité divine de Marie.

Un exemple typique de ce témoignage liturgique de la Théotokos est représenté par ce texte des vêpres :

« En ce jour, c’est l’heureuse annonce de la joie, c’est la fête de la Vierge. Le monde ici bas s’accorde aux choses d’en haut. Adam est renouvelé, Eve délivrée de sa première affliction et le tabernacle de notre condition humaine devient le temple de notre Dieu par divinisation de la nature assumée. Mystère que la façon dont s’abaisse le Seigneur, merveille que le mode inouï de sa conception ! Et du miracle, un ange se fait le serviteur. Le sein d’une Vierge reçoit le fils par l’envoi de l’esprit divin et d’en haut le Père exprime sa bienveillance. L’union s’accomplit en la commune volonté. En lui et par lui nous voilà sauvés. Unissions donc nos voix à celle de Gabriel et crions à la Vierge : Réjouis toi, pleine de grâce, de qui nous vient le salut, le Christ notre Dieu, car il a pris notre nature pour l’élever jusqu’à lui. Intercède auprès de lui pour qu’il sauve nos âmes. »

- En troisième lieu, la mère du Christ est le grand témoin de l’œuvre du salut.

En effet, elle atteste que l’humanité est devenue par le fait du Christ et du Saint Esprit, par lequel il est né de la Vierge, une humanité nouvelle. Cette nouvelle humanité est récapitulée dans le nouvel Adam et dans la nouvelle Eve. L’ancien Adam a failli : son péché a entrainé l’humanité dans la chute (Gn 3.1 ; Co 15.22). Dieu a repris son dessein concernant l’humanité dans le nouvel Adam, le Christ (Rm 5.14 ; 1 Co 15.45) dans lequel les hommes se sont trouvés rattachés directement à Dieu et dont il est dit qu’il a un esprit qui donne la vie.

De même, Eve, la première femme, créée comme une aide (Gn 2.18) pour Adam, a failli : son aide fit toute négative lors de la chute (Genèse 3.6). Dieu a donc suscité une nouvelle Eve, Marie, qui par son obéissance et sa foi (Luc 1.34.38.45), a été l’aide du nouvel Adam en acceptant d’être sa mère, rendant ainsi effective l’incarnation du verbe divin et la rédemption. C’est pour manifester qu’elle est bien la nouvelle Eve que son fils lui a donné, à deux reprises, le titre de femme (Jean 2.4 et 19.26). Marie, sur le Golgotha, a été investie d’une maternité nouvelle qui a pour objet tous les rachetés et, en premier lieu, les fidèles (Jean 19.25-27). Dans l’évangile de Jean, ce groupe, au pied de la croix, formé par elle et « le Disciple que Jésus aimait » représente l’Eglise : c’est l’ensemble des croyants que Jésus confie alors à sa mère. Etant nouvelle Eve et femme, donc mère des vivants, elle témoigne ainsi de cet aspect du salut qui fait du nouveau peuple de Dieu, l’Eglise des croyants et des fidèles au Christ, la famille de Dieu, ce qui est bien plus que peuple élu.

Par quoi cette maternité est-elle fondée ? Par le fait que la rédemption a rendu les hommes frères du Christ (Jean 20.17, Exode 2.11) et enfants adoptifs de Dieu : (Jean 20.17) et Galat. 4.4-7 : « mais quand est venu l’accomplissement du temps, Dieu a envoyé son fils, né d’une femme et assujetti à la loi, pour payer la libération de ceux qui sont assujettis à la loi, pour qu’il nous soit donné d’être fils adoptifs. Fils, vous l’êtes bien : Dieu a envoyé dans nos cœurs l’esprit de son fils, qui crie : Abba – Père ! Tu n’es donc plus esclave, mais fils ; et, comme fils, tu es aussi héritier : c’est l’œuvre de Dieu. ».

Il ne faut évidemment pas mettre sur le même plan ontologique l’adoption au Père et l’adoption à la Mère. Cette dernière n’est que l’expression manifeste d’une réalité nouvelle, qui est la fonction maternelle de l’Eglise du fils et du Saint Esprit. Marie, nouvelle Eve, personnifie l’Eglise en tant que mère des vivants (Gn 3.20), c’est-à-dire des rachetés, unis au Père par le Christ, celui qui est la vraie vie, et par l’Esprit de vie.

Marie, par sa maternité divine, témoigne de la nature profonde de l’Eglise. L’Eglise des fidèles est le corps du Christ et le temple du Saint Esprit tout comme l’est Marie. Marie a enfanté le fils de Dieu par la chair. Les fidèles, eux, sont appelés à enfanter dans leurs âmes le Christ par la grâce, comme le dit Saint Paul : ce n’est plus moi qui vit, mais c’est le Christ qui vit en moi (Galat 2.20). Ajoutons ici que, en tant que mère des vivants, par ses prières adressées à son fils, elle aide les chrétiens à devenir cet habitacle du Christ, autrement dit à hériter le salut. Là aussi, elle est à la fois aide et témoin.

- Enfin, la Théotokos témoigne de la victoire de son fils sur la mort. Ce pouvoir d’intercéder auprès de son fils, pour les hommes, elle ne l’avait pas encore à Cana, parce que « l’heure n’était pas venue » (Jean 2.4). Il s’agit évidemment de l’heure de la passion de son fils, de sa résurrection et de son entrée dans la gloire (Jean 13.31 ; 12.27-28). Quand l’heure est venue, elle s’est trouvée investie de ce pouvoir en même temps que la maternité nouvelle (Jean 19.25-27). Ce pouvoir elle l’exerce d’outre-tombe. Et si elle peut le faire, tout comme les Saints, c’est parce que la mort est vaincue par la résurrection du Christ. En effet, la prière du juste décédé pour les vivants, tout comme celle des vivants pour les morts, n’étaient pas possibles sous l’ancienne alliance, avant la résurrection du Christ.

Mais l’on peut dire plus. Marie est un témoin de la résurrection plus grand encore, si elle-même est, d’ores et déjà, ressuscitée corps et âme.

Qu’est ce qui permet de parler de la résurrection corporelle de Marie ?

D’abord, sa présence dans l’Eglise terrestre beaucoup plus intense, plus massive, que celle de tous les Saints, ce qui est attesté par ses miracles, ses apparitions, ses icones miraculeuses, sa place très importante dans la liturgie de l’Eglise.

Ensuite, des considérations d’ordre théologique qui permettent de penser qu’elle a été apte à recevoir les effets de la résurrection du Christ avant toutes les autres créatures humaines. Il s’agit d’abord de sa sainteté. Il s’agit ensuite de sa maternité divine.

L’enfantement de celui qui est à la fois Dieu et Homme ne l’a-t-il pas, comme le pense l’Eglise, gardé vierge dans cet enfantement et ne lui a-t-il pas conféré, comme le dit Saint Ambroise de Milan, un gage de renouvellement eschatologique ?

Enfin, vu la maternité divine de Marie, ne peut-on pas répéter cette interrogation de Théoteknos de Livias, un évêque palestinien du VIème VIIème siècle : « … comment concevoir que fut livré à la mort et à la corruption le corps de celle qui a porté en elle celui qui est la vie ? »

Vladimir Lossky, nous dit dans un commentaire : « La glorification de la mère est une conséquence directe de l’humiliation volontaire du fils. Le fils de Dieu s’incarne de la Vierge Marie et se fait fils de l’homme, capable de mourir, tandis que Marie, en devenant mère de Dieu, reçoit la gloire qui convient à Dieu (Vêpres, ton 1) et participe, la première parmi les êtres humains, à la déification finale de la créature. « Dieu se fit homme, pour que l’homme soit déifié » (Saint Irénée, Saint Athanase, Saint Grégoire de Nazianze, Saint Grégoire de Nice). Ainsi, la gloire du siècle à venir, la fin dernière de l’homme est déjà réalisée, non seulement dans une hypostase divine incarnée, mais aussi dans une personne humaine déifiée. Ce passage de la mort à la vie, du temps à l’éternité, de la condition terrestre à la béatitude céleste, établit la mère de Dieu au-delà de la résurrection générale et du jugement dernier, au-delà de la parousie qui mettra fin à l’histoire du monde. La fête du 15 août est une seconde Pâques mystérieuse, puisque l’Eglise y célèbre, avant la fin des temps, les prémices secrètes de sa consommation eschatologique » Marie est donc effectivement le témoin de Dieu, le plus grand de ses témoins après son fils, car elle montre elle-même, dans sa personne, dans sa propre histoire, dans son témoignage, que le Royaume de Dieu est d’ores et déjà venu dans toute sa puissance et aussi car elle manifeste l’excellence et la réussite de toute l’œuvre du Père, du Fils et du Saint Esprit depuis la création du monde jusqu’à la parousie. Elle en est donc bien le témoin, le témoin par excellence.

III- LA THETOKOS, LE GRAND SIGNE DANS LE CIEL :

Tout cela, la mère de Dieu le montre par sa personne, dans sa personne, par sa présence.

Son témoignage est donc un témoignage silencieux. Il relève de la catégorie des signes. Il est à noter que le mot signe est employé dans Isaïe 7.14, dans la prophétie qui annonce la naissance d’Emmanuel et fait mention de sa mère :« C’est pourquoi le Seigneur vous donnera un signe, voici une vierge sera enceinte et elle enfantera un fils et lui donnera le nom d’Emmanuel qui veut dire Dieu avec nous ».

Le mot signe est également employé dans Apocalypse 12.1, qui parle de l’apparition dans le ciel de la femme couronnée d’étoiles : « un grand signe apparut dans le ciel : une femme, vêtue du soleil, la lune est sous ses pieds, et sur la tête une couronne d’étoiles ». Le signe qui représente la mère de Dieu a été donné à l’Eglise par Dieu lui-même. Il l’a été par l’amour divin et la miséricorde divine. Il n’a pas été imposé par Dieu, mais, précisément, donné. Donné à notre amour chrétien et à notre tact chrétien.

Il est, de ce fait, à découvrir et l’Eglise l’a découvert, comme le montre l’histoire de la vénération de la mère du Christ dans l’Eglise. C’est en effet en vivant le Christ et l’Eglise que l’on découvre la mère de Dieu et le mystère de la maternité divine. Et, comme le montre le concile d’Ephèse, et ce qui l’a précédé, en découvrant la mère de Dieu, on découvre le Christ lui-même et aussi l’Eglise.

Et c’est là, précisément que se trouve la signification profonde de la vénération de la mère de Dieu par l’Eglise. Elle est donc bien le signe donné par Dieu, le signe de la venue de son fils et de sa victoire, signe de l’Eglise, signe de la réponse à faire à Dieu de la part de la créature.

La femme citée dans Apocalypse symbolise le peuple de Dieu, qui enfante le Messie et les croyants, qui préfigure l’Eglise et celle qui en est la personnification ou l’icone : Marie, la mère de Jésus Christ, la mère de Dieu, la femme, la nouvelle Eve, la mère des croyants.

CONCLUSION :

Avant de terminer mon propos, je voudrais vous lire deux extraits, le premier émanant d’un théologien du quatorzième siècle et le deuxième d’un théologien du vingtième.

1- Extrait de l’homélie pour la nativité de la mère de Dieu de Saint Nicolas Cabasilas :

« Lorsque le moment fut venu pour la nature humaine de rencontrer la nature divine et de lui être unie si intimement que les deux ne formeraient qu’une seule personne, chacune d’entre elle devait nécessairement être déjà manifestée dans son intégrité. Dieu, pour sa part, s’était révélé de la manière qui convenait à Dieu ; et la Vierge est seule à mettre la nature humaine en lumière… Il semble bien que si Dieu s’est mêlé à la nature humaine, non pas dès son origine mais à la fin des temps (Galat 4.4) c’est parce que, avant ce moment, cette nature n’était pas encore pleinement née, tandis que maintenant, en Marie, elle apparait pour la première fois dans son intégrité…Le jour de la naissance de la Vierge et aussi celui de la naissance du monde entier, car ce jour a vu naitre le premier être pleinement humain. Maintenant, la « terre » a vraiment donné son « fruit » (Ps 66.7), cette « terre » qui de tout temps n’avait produit, avec des ronces et des épines, que la corruption du péché (Gn 3.18). Maintenant le ciel sait qu’il n’a pas été bâti en vain, puisque l’humanité, pour laquelle il fut construit, voit le jour… »

2- Extrait de l’ouvrage : Pour la vie du monde du Père Alexandre Schmemann :

« Marie est la mère du Christ. Elle est la plénitude de l’amour acceptant la venue de Dieu chez nous, lui donnant cette vie qui est la vie du monde. Et la création tout entière se réjouit en elle, parce qu’elle reconnait qu’en elle le terme et l’accomplissement de toute vie, de tout amour est d’accepter le Christ, de lui donner vie en nous-mêmes. Il ne faudrait aucunement craindre que cette joie au sujet de Marie enlève quoi que ce soit au Christ, diminue en aucune manière la gloire qui est due à lui et à lui seul. Car ce que nous trouvons en elle et qui constitue la joie de l’Eglise est, précisément, la plénitude de cette adoration du Christ, de cette acceptation, de cet amour pour lui. En réalité, il n’y a pas de « culte » de Marie, mais en Marie le « culte » de l’Eglise devient un mouvement de joie, d’action de grâces, d’humble acceptation et d’obéissance- les épousailles avec l’Esprit-Saint, seule joie plénière sur terre. »

Ayant précisé la place unique qu’occupe la Mère de Dieu dans la vie de l’Eglise et le ministère éternel qu’elle y exerce, essayons d’approcher la clé qui lui a permis de personnifier ce rôle unique dans l’avènement de notre salut par le Christ. Cette clé, en même temps qu’elle nous sauve et nous indique le chemin à suivre, nous explique l’extrême discrétion et l’infinie douceur avec lesquelles la THEOTOKOS a traversé le récit de la nouvelle alliance. Cette clé, comme elle nous la révèle elle-même dans son témoignage, n’est autre que l’humilité.

C’est donc sur les paroles de la Mère de Dieu elle-même que sera achevé cet exposé :

« Mon âme exalte le Seigneur, et mon esprit exulte de joie en Dieu mon Sauveur, car il a regardé l’humilité de sa servante, voici que désormais toutes les générations me diront bienheureuse ! »

Diacre Maron ABINADER

November 2024
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Расписание Богослужений:


Суббота 2 ноября 2024 года Родительская суббота, память усопших. Исповедь - начало в 9-00 утра, Божественная литургия - начало в 10-00 утра. По окончании Службы Великая Панихида 

Samedi 2 novembre 2024 Samedi parental, memoire des defunts. Confession -  à partir du 9h00 du matin, Divine Liturgie -  à 10h00 du matin. A la fin du Service le Grand Service Commemoratif 


Суббота 23 ноября 2024 года - Память Великомученика Георгия. Исповедь - начало в 9-00 утра, Божественная литургия начало в 10-00 утра. По окончании братская трапеза

Samedi 23 novembre 2024 - Memoire du Grand Martyr Georges. Confession -  à partir du 9h00 du matin, Divine Liturgie à 10h00 du matin. À la fin du service - repas de fete