СЛОВО О ВЕРЕ
Qui est chrétien?
par Mario Abinader
Au Liban, le qualificatif chrétien occupe une large part de l’espace individuel, politique, communautaire, socioculturel, religieux et même militaire.
Déclinée en de multiples variantes, la notion de chrétien apparaît sous des formes diverses : comme une conviction religieuse personnelle, un parti politique, une identité sociale, une particularité culturelle, une philosophie ou un style de vie.
À l’évidence galvaudé, le qualificatif de chrétien est devenu un mot générique, un fourre-tout, qui a fini par contenir des conceptions, des éthiques, voire des actions, souvent incohérentes et parfois contradictoires.
Dans ce contexte pourvoyeur de confusion, on peut légitimement s’interroger : au fait, c’est quoi exactement un chrétien ? Qui est véritablement chrétien ?
Pour être en mesure d’authentifier un chrétien, il faut d’abord connaître les éléments fondamentaux qui le caractérisent, pour ensuite constater si ces éléments se retrouvent chez les personnes qui se disent chrétiennes, ou les groupes qui se qualifient de chrétiens, qu’ils soient politiques, sociaux ou religieux.
Dans une démarche qui vise à préciser ce qui caractérise fondamentalement un chrétien, je resterai aussi basique et objectif que possible, en m’appuyant sur les sources directes qui traitent du sujet.
Très simplement, le terme de chrétien est relatif au Christ.
Pour la communauté chrétienne, le Christ est l’incarnation de la deuxième personne de la Trinité divine. Devenu homme, tout en étant Dieu, sans confusion ni division (concile de Chalcedoine, an 451), le Christ est venu sur terre, il y a 2019 ans, a délivré un enseignement précis, a été injustement condamné à mourir sur la croix et est ressuscité. Il a ainsi permis la victoire sur la fatalité de la mort et ouvert la voie de la résurrection éternelle, aux humains qui croient en lui et appliquent son enseignement.
Pour le chrétien, Dieu est devenu homme pour que l’homme devienne Dieu (saint Irénée de Lyon). Quant aux modalités de cette réalisation, le Christ lui-même les a spécifiées : « Je suis le chemin, la vérité et la vie. Nul ne vient au Père que par moi. »
Ainsi, le christianisme n’est pas une théorie abstraite, mais la mise en pratique concrète d’une confession de foi. Le chrétien confesse sa foi au Christ-Dieu et manifeste son amour pour lui, dans les faits, et par l’observation de ses enseignements : « Celui qui a Mes commandements et qui les garde, voilà celui qui M’aime. »
Le moyen le plus adéquat de préciser les fondements de cette affiliation au Christ est de se référer aux paroles du Christ lui-même, consignées dans l’Évangile, que les chrétiens appellent aussi : la révélation divine.
Je n’ai ni la prétention ni la capacité de présenter de manière exhaustive le contenu de l’Évangile. Je me contenterai donc de citer quelques brefs extraits, en essayant, dans la mesure de mes moyens, d’interpréter ce que le Christ a voulu dire, dans le but de mieux appréhender ce qui définit l’homme chrétien.
Le Christ a enseigné :
« Festoyons ! Car mon fils que voici était mort et il est revenu à la vie, il était perdu et il est retrouvé... » Dans cette parabole du fils prodigue, le Christ explicite le point névralgique de la relation de l’homme à Dieu : le repentir. C’est en effet le repentir qui induit la conversion, c’est-à-dire le changement en profondeur des dispositions intérieures de l’homme. Car nul homme n’obtient le salut par ses mérites propres, puisque tous les hommes sont dégradés par l’accumulation de leurs erreurs. C’est seulement par la grâce que l’homme est sauvé. La grâce est cet amour immérité que l’Esprit-Saint de Dieu déverse dans le cœur de l’homme, quelles que soient ses errances et ses erreurs, dès lors que celui-ci « rentre en lui-même » et décide librement de « retourner vers son père ». Ainsi transformé par la grâce, cet homme « nouveau », porté par une joie indicible, s’emploie à s’imprégner de l’enseignement du Christ et à observer ses commandements.
Voici un aperçu de quelques enseignements, puisés dans les paroles mêmes du Christ :
« Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » pour marquer la nécessité de gérer correctement ses obligations temporelles et citoyennes, sans pour autant perdre de vue l’essentiel, c’est-à-dire l’attachement de l’homme à son Créateur.
« Observez la beauté des lis des champs qui poussent, ils ne peinent ni ne filent... » pour souligner la fatuité et la futilité d’amasser les richesses terrestres et les beautés artificielles, tant celles-ci sont abondamment offertes, sans effort particulier de leur part, à ceux qui placent leur destinée entre les mains de Dieu.
« L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu » pour exprimer qu’il est essentiel pour l’homme de maintenir l’équilibre global de son être (corps + âme + esprit), en insérant dans son quotidien le détachement de la matière et un appétit pour la spiritualité.
« Ne jetez pas la première pierre » pour appeler à plus de compassion et d’équité, en se projetant un minimum à la place d’une personne condamnée, entièrement soumise à notre jugement.
« Qu’as-tu à regarder la paille dans l’œil de ton frère, alors que la poutre qui est dans ton œil, tu ne la remarques pas ? » pour inciter à l’autocritique et à la tempérance vis-à-vis de l’autre, plutôt que de lui sauter au cou et de lui trouver tous les maux de la terre.
« Les derniers seront les premiers... » pour révéler la paix intérieure et la joie indicible que procurent l’humilité et le service des démunis.
«...et les premiers seront les derniers », pour rappeler aux puissants de cette terre qu’ils finiront tous sous terre, et leur signifier que les manigances et les compromissions dont ils auront usé pour dominer ne feront que les desservir quand viendra le temps de rendre des comptes, car « tout ce que vous ferez au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous le faites ».
« Tends l’autre joue » pour attirer l’attention sur la puissance insoupçonnée et inégalée, rédemptrice et régénérante, du pardon.
« Aimez vos ennemis » pour nous amener à saisir toute la profondeur de cette équation mystère : la guerre suscite systématiquement un temps de guerre, quand l’amour suscite systématiquement un temps de paix.
« Le Royaume des cieux est en vous », pour rappeler que la réalisation du chrétien ne lui est pas extérieure, elle ne se trouve pas dans le monde, mais en lui. C’est ainsi qu’il peut goûter, ici et maintenant, à la félicité du royaume céleste, par le recueillement intérieur, la prière et la fidélité à l’enseignement du Christ.
« Aimez-vous les uns les autres, c’est à cela qu’on reconnaîtra que vous êtes mes disciples. »
Le corollaire de cette phrase est sans appel : celui qui n’aime pas son prochain est de facto le serviteur du diable et non le chrétien qu’il prétend être. Il ne doit donc pas être reconnu comme tel.
En effet, c’est par obéissance au Père et par un don surabondant d’amour que le Christ, qui est « doux et humble de cœur », a rénové la condition humaine. Donc, tout naturellement, c’est à travers son obéissance au Christ et sa propension à rénover le monde par la loi de l’amour que l’on reconnaît son disciple.
La lumière d’un tel disciple « ne doit pas être cachée sous le boisseau, mais mise sur le chandelier afin d’éclairer tous les habitants de la maison ».
Voilà, en conviction, quelques-unes des caractéristiques du chrétien.
Quant à l’adéquation de ces caractéristiques avec ceux qui se réclament de la chrétienté, elle ne peut pas se vérifier sur la place publique, car il ne s’agit pas d’une affaire exclusivement humaine, mais d’une affaire divino-humaine.
L’authentification du chrétien ne peut donc se faire que dans le secret de sa relation personnelle avec le Christ. Une relation intime liant la personne humaine vivante et le « vivant, celui qui est venu, qui vient et qui viendra ».
De cette relation vivante dépend la réponse intime que le chrétien est susceptible de recevoir, face à cette interrogation qui travaille sa conscience, et toutes les consciences, depuis deux millénaires et pour l’éternité : suis-je chrétien ?