Православный Приход Сретения Господня

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Article dans "L'Eglise Catholique à Paris"
Le rôle de l’évêque dans l’Église locale (православный богослов Michel Stavrou)

À l’occasion de la démission de l’archevêque Gabriel, Professeur Michel Stavrou, Institut Saint-Serge (Paris), a présenté ce portrait du rôle d’évêque dans l’Église locale. Nous remercions le Professeur Stavrou et le Feuillet de l’Exarchat du mois février 2013, de nous permettre de le publier.

Lorsqu’on désire exposer de manière même sommaire le rôle de l’évêque dans l’Église locale, il est indispensable de ne pas le réduire à un catalogue de pouvoirs et privilèges. Sous l’influence de la société sécularisée et individualiste où nous vivons, cette vision juridique, déformée et parcellaire est malheureusement très courante. Or si l’évêque est la pièce maîtresse sur laquelle s’agence concrètement l’Église locale, il faut rappeler ce truisme : sans Église, il n’y a pas d’évêque.

L’Église, fondée par Jésus-Christ, a pour but de sauver tous les hommes en les introduisant dans la grâce de la vie trinitaire et de transfigurer le monde entier. Grâce au renouveau de l’ecclésiologie orthodoxe esquissé au XXe siècle dans notre diocèse et à la suite des travaux du P. Nicolas Afanassieff, nous savons que, selon la vision apostolique et patristique, l’Église est d’abord une réalité locale, concrète. Elle peut être définie comme la communauté locale qui se rassemble, sous la présidence de l’évêque ou de son représentant, pour célébrer l’Eucharistie, avec tout ce que cela présuppose – notamment l’orthodoxie de la foi – et tout ce qui en découle, notamment le témoignage dans le monde, car une Église qui ne témoigne pas du salut en Christ faillit à sa mission reçue d’en haut.

Une véritable identité est reconnue entre la participation au repas eucharistique et l’intégration au corps ecclésial unique. D’ailleurs, le même syntagme « corps du Christ » désigne aussi bien l’Église que la nourriture eucharistique. L’Eucharistie est le rassemblement eschatologique anticipant la venue du Dernier Jour. Sa célébration est le lieu où tous les ministères (diaconies), c’est-à-dire les services pour le salut du monde, s’enracinent dans l’unique ministère du Christ : Il est l’unique prêtre (Hb 5,6), apôtre (Hb 3,1), prophète (Mt 23,8 ; Jn 13,13), « évêque » (episcopos : 1 Pi 2,25), diacre (Rm 15,8 ; Lc 22,27). Le sacerdoce unique du Christ se trouve porté et assumé par l’Église qui est son corps. Il faut comprendre que le Christ n’est pas un individu mais un être corporatif, tête et corps. « Le Christ n’est pas dans la Tête sans être dans le Corps, mais Il est tout entier dans la Tête et dans le Corps » (Ev. Jo. tr. 28 ; PL 35, 1622), écrit saint Augustin. La communauté ecclésiale existe alors en manifestant dans l’Esprit le ministère du Christ. Tout ministère ecclésial existe donc non pas parallèlement à celui du Christ, mais comme une épiphanie de celui du Christ, dans une identité mystique, sacramentelle.

Les ministres ordonnés, à commencer par l’évêque, ont pour tâche essentielle de manifester et communiquer, par la parole et les sacrements, le don de Dieu fait aux hommes, à savoir la vérité, la grâce et le salut offerts en Jésus-Christ ressuscité. Les laïcs ont pour vocation principale de rapporter consciemment et d’offrir à Dieu l’existence et le salut qu’ils ont reçus : c’est pourquoi l’Amen, comme réponse des baptisés, est un acte central dans le culte. Sans l’amen du peuple, pas de liturgie. Il n’y a pas opposition mais complémentarité entre les vocations des clercs et des laïcs, tous membres du peuple de Dieu (laos). Depuis au moins le iie siècle, est attestée la structure actuelle de l’Église locale et de ses principaux ministères : l’évêque présidait la célébration de l’Eucharistie, entouré d’un collège de presbytres, (« anciens »), des diacres et du peuple.

La place de l’évêque comme président de l’Eucharistie lui donne pour tâche de dispenser les sacrements mais aussi de gouverner et d’enseigner l’Église locale dans le respect de la foi, de la Tradition et des canons de l’Église. L’évêque est celui qui veille (episkopein = veiller-sur en grec, d’où son mandat, l’episkopè) sur le peuple que Dieu lui confie à travers l’Église.

À partir de la fin du IIIe siècle, les presbytres (= prêtres) ont été délégués par l’évêque local pour présider l’Eucharistie dans les paroisses. Mais le lien sacramentel avec l’évêque est maintenu. Les prêtres « offrent » avec l’aide des diacres le sacrifice eucharistique (18e canon, Concile de Nicée I – 325) et président les offices au nom de l’évêque, ce qui s’exprime triplement :

1. ils mentionnent le nom de l’évêque du diocèse où se trouve leur paroisse et non celui de l’évêque qui les a ordonnés ;
2. ils utilisent l’antimension (litt. « vice-autel »), étoffe consacrée représentant la mise au tombeau du Seigneur (car l’autel est l’image du Tombeau vivifiant), dans laquelle sont cousues des reliques de martyrs et où figure la signature de l’évêque ;
3. ils reçoivent le saint chrême de l’évêque, qui lui-même le reçoit du primat de son Église autocéphale.

Au-delà de la vie liturgique, c’est dans toutes les activités de l’Église locale, notamment la mission comme figure des Apôtres, que l’évêque joue un rôle central par son épiskopè. Les prières de l’ordination épiscopale soulignent que l’évêque est une lumière pour le monde, un pédagogue qui enseigne son peuple, l’imitateur du Bon Pasteur qui offre sa vie pour ses brebis. Il exerce, en président le Conseil diocésain, une autorité administrative sur les personnes et les biens de l’Église locale en application des saint canons. C’est pourquoi, saint Ignace le Théophore (IIe siècle) écrit : « Que personne ne fasse en dehors de l’évêque rien de ce qui regarde l’Église. » (Ep. aux Smyrniotes, 8, 1). Ou encore : « Que là où paraît l’évêque, là soit la communauté, de même que là où est le Christ, là est l’Église en plénitude » (Idem, 8, 2)

Ici nous croyons utile de faire plusieurs remarques :
1. Il existe une interdépendance entre les différents ministères, aucun ne pouvant être isolé des autres, même si les ministères dits hiérarchiques (épiscopat, prêtrise, diaconat) se reçoivent par une ordination spéciale. Dans cette perspective, l’ordination d’un clerc n’instaure pas le pouvoir d’un individu sur les autres mais renforce l’unité à travers de nouvelles relations au sein de la communauté dont le ministre a la charge. L’Église est un corps dont tous les baptisés sont les membres. Cela signifie une solidarité spirituelle et une coopération obligatoire entre clercs et laïcs, car tous les baptisés, chrismés par l’Esprit Saint, ont été ordonnés pour accomplir leurs vocations particulières comme « pierres vivantes » de l’Église, étant, dans le Christ, les membres solidaires d’un peuple royal, sacerdotal et prophétique.

2. Lorsqu’on parle de direction, d’administration, d’autorité ou de pouvoir dans l’Église, tous ces termes signifient autre chose que dans le monde. Car l’Église n’est pas une société séculière, une organisation ou une institution purement humaine ; elle est un don de Dieu. Malgré les péchés de ses membres, elle s’est révélée depuis la Pentecôte comme un organisme divino-humain à l’image de la Trinité, fondée par le Christ qui est sa Tête, et constituée par l’Esprit Saint.

3. Ceux – évêque et prêtres – qui, par la grâce du sacrement de l’Ordre, exercent l’autorité dans l’Église ne sont pas le personnel dirigeant d’une grande entreprise ni les hauts fonctionnaires d’une administration. Ils sont eux-mêmes soumis au Christ et à l’Église, à sa Tradition, son enseignement et ses canons. Leur gouvernement a pour but de garder la communauté dans la vérité et de la faire croître vers la « pleine stature du Christ » (Ep 4,13). Cela est assuré par des charismes donnés par l’Esprit saint, en réponse à l’invocation (épiclèse) permanente du peuple de Dieu qui prie pour ses pasteurs.

4. Chaque Église locale, même si elle n’est pas l’Église entière, manifeste l’Église du Christ en plénitude. Dans l’Église locale réside la plénitude catholique de la foi, de la grâce et du salut. L’évêque, en principe unique, qui localement préside le rassemblement eucharistique à l’autel représente le Christ entouré de l’Église des saints dans le Royaume à venir. La paroisse locale étant conditionnée et limitée par des contraintes locales, c’est de l’évêque par qui le prêtre est mandaté, qu’elle reçoit directement sa catholicité. En sens inverse, l’évêque entretient, à travers les prêtres, une relation directe avec les paroisses.

L’Église est une réalité à la fois entièrement conciliaire et hiérarchique, sans que jamais ces deux dimensions doivent s’opposer. La conciliarité ou symphonicité (sobornost en russe) ne concerne pas simplement les conciles (dont les acteurs principaux sont les évêques), mais il s’agit d’une qualité inscrite dans la nature même de l’Église, qui marque tous les actes de communion entre ses membres. Cette qualité est d’origine trinitaire : vivre l’Église, c’est participer à la vie véritable reçue du Père, par le Fils, dans le Saint-Esprit. Or chaque personne trinitaire est une par sa relation aux deux autres non moins que par sa relation à elle-même. Cette conciliarité s’exprime tout particulièrement dans le rassemblement eucharistique.

L’Église est aussi hiérarchique parce qu’il existe un ordre dans la Sainte Trinité (c’est du Père que le Fils et le Saint-Esprit reçoivent leur existence) et que, pour les Pères, l’être ecclésial reflète la vie trinitaire. Toutefois cette dimension hiérarchique n’est pas individuelle et elle n’a de sens que relationnel, en tension avec la dimension conciliaire de l’Église. En Église, la hiérarchie prend un autre sens que dans l’armée ou une administration d’Etat, où les fonctions sont atomisées.

L’évêque centralise les charismes, qui relèvent de son épiskopè, dans la conciliarité ecclésiale vécue à travers la concélébration liturgique de l’Eucharistie. Le peuple de Dieu tout entier concélèbre l’Eucharistie présidée par l’évêque. L’amen qu’il prononce a une portée ecclésiologique globale au-delà de la liturgie : il exprime la fonction propre du peuple, qui est de dire « oui » dans le Saint-Esprit, de recevoir, dans le don de discernement, la doctrine, la prédication de la foi, et enfin d’accepter, dans la liberté créatrice des enfants de Dieu, l’exercice du pouvoir pastoral et de l’enseignement.

L’évêque est tenu de consulter le peuple qui lui est confié avant de prendre ses décisions, non seulement par sagesse pratique mais surtout pour ne pas ignorer la conciliarité et la « con-science ecclésiale ». Comme le disait un grand évêque théologien, le métropolite Méliton de Chalcédoine († 1989) : « c’est un message tout à fait propre à l’Orthodoxie : rien ne se décide ex cathedra et d’autorité, sans tenir compte de la volonté et de la conscience du plérôme ».

Dans l’Église ancienne, surtout avant le IVe siècle, les évêques étaient élus par leur communauté locale et consacrés par les évêques voisins (au moins deux ou trois) représentant symboliquement l’Église entière. Il est très important – et cela est un privilège de l’Archevêché, en application des décrets du concile de Moscou de 1917 – que l’évêque soit élu non seulement par le synode de l’Église autocéphale mais aussi par son peuple :
1. le peuple, réellement consulté à travers des délégués clercs et laïcs, prend ainsi sa part de responsabilité à la nomination de son futur pasteur ;
2. cela dément l’idée que l’épiscopat forme une caste séparée, supra-ecclésiale, ayant des droits et des privilèges, et dont les fidèles seraient les sujets. Une telle vision serait une dénaturation complète de l’ecclésiologie des Pères, selon laquelle chaque évêque est porteur de son Église locale. Comme l’écrivait saint Cyprien de Carthage, « l’évêque est dans l’Église, et l’Église est dans l’évêque. » (Lettre 66). L’évêque épouse son Église locale, il est appelé à lui demeurer fidèle en se plaçant sincèrement à son service.

Conclusion
Il faut se garder d’idéaliser le ministère de l’évêque. Son exercice est difficile pour la personne concernée, en raison de la position unique qu’elle doit tenir dans son Église locale, sans compter la situation délicate, le kairos par lequel passe l’Archevêché de tradition russe. C’est pourquoi il faut prier pour l’évêque et l’aider dans sa tâche. La tradition ecclésiale est consciente des risques.

Avec humour, le Pré spirituel, un joyau de la littérature monastique orthodoxe du VIe siècle, rapporte l’anecdote suivante : un moine novice égyptien « se montrait fort négligent envers son âme ». À la mort de celui-ci, son père spirituel s’inquiète : est-il parti en enfer à cause de ses péchés ? Il prie donc pour que lui soit révélé le sort de l’âme de son disciple. C’est alors que, dans une vision soudaine, il aperçoit une rivière de feu où le novice est englouti jusqu’au cou, ce qui l’épouvante. Mais le novice se tourne vers lui en disant : « Je rends grâce au Seigneur d’avoir épargné ma tête. Grâce à tes prières, Abba, je me tiens debout sur celle d’un évêque. » L’épiscopat est difficile mais il constitue un chemin de sainteté. On peut citer, parmi beaucoup d’autres, quelques saint évêques récents : Nectaire d’Égine (1920), Nicolas d’Ochrid (1956), Luc de Simferopol (1961), ou encore saint Jean de San Francisco (1966) dont un prêtre catholique disait avec admiration dans un sermon (dans les années cinquante) : « Voilà que dans les rues de Paris circule aujourd’hui un saint Jean Nu-Pieds ! »

Comme l’écrit saint Paul, l’évêque doit être pour les fidèles « un modèle en parole, en conduite, en amour, en foi, en pureté » (1 Tm 4,12). En bref, il doit s’efforcer d’être un père. Mais si l’évêque a un rôle principal pour garantir et manifester l’unité ecclésiale, nous sommes tous, en tant que baptisés, également responsables de cette unité, et appelés à la garder (Ep 4,3) en veillant à ce que rien ni personne ne vienne l’altérer : « Il y a un seul Corps et un seul Esprit […], un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême ; un seul Dieu et Père de tous. » (Ep 4,4-5).

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